Salope

Tu es née salope, tu mourra salope et tu redeviendra salope. On est d’accord, la bible ne contient pas ce passage. Mais comme on a pu le voir les médias, et au sens général la société s’est toujours inspirée des techniques de la religion pour soumettre ses disciples ? Pourquoi pas le sexisme donc ?

 

Je crois qu’on m’a rappelé ma juste place dans le monde vers mes 10 ans. Je m’habillait déjà seule à l‘époque et j’était l’heureuse détentrice d’un jogging rose de chez Tati (je suppose), et comme le temps s’y prêtait bien et que je n’avais pas tellement de « chemisettes » où autres débardeurs à me mettre sur le dos pour ne pas me sentir «nue » (bien que jamais je ne me serais sentie nue en portant des vêtements…) j’ai décider de simplement fermer la veste de jogging sur ma brassière (oui car la puberté avait décidé de s’installer déjà doucement mais surement).

A 10 ans allez savoir comment quelqu’un l’a soupçonné, mais j’ai passé la récréation à me battre pour ne pas qu’on m’ouvre la veste. Excédée j’ai été voir mon enseignante de l’époque qui était d’ailleurs la directrice de l’école : «Eh bah ma grande faut mettre quelque chose en dessous ».

C’est encore plus triste quand on sait que cette personne était engagée en politique et était plutôt douée dans ce domaine.

Je me rappelle que je me suis sentie tellement en colère.

Je vous remet tout de même dans le contexte, ma mère est à sa façon une féministe, elle m’a toujours dit et répété que mon corps n’appartenait qu’à moi et que seule moi pouvait décider ce que j’en faisait ou pas.A ce moment là donc je savait que ce que j’avais vécu n’était pas juste, mais c’était seulement le début.

En grandissant, les sujets de discussion avec mes amis ont souvent dévié sur le cucul, et là Leila la salope était de sortie je peux vous le dire ! Ah bah oui parce que Leïla la salope savait « déjà » tout ce qu’il fallait savoir sur le processus et également sur les différents types de protections , Maman infirmière et très inquiète de cette question aidant. Oui je savais pas mal de choses sur le sujet et j’en parlais librement, je le fais d’ailleurs toujours… Je ne parle évidemment pas que de ça (reviens je te jure je suis une fille intéressante) mais je ne vois pas en quoi je devrait en ressentir une gène.

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Mes potes après un de mes discours de fesses.

Mon franc parlé ainsi que mes convictions (comprendre qu’une fille a le droit de mener la sexualité qu’elle souhaite) m’a ainsi valu dés le plus jeune jusqu’à la fin du collège d’être vue comme une vierge effarouchée et affamée. Inutile de vous préciser qu’en plus, loin d’être pour autant une exhibitionniste je ne suis pas pudique et que lorsque la température avoisine les 30 degrés des fois je l’avoue, je ne porte pas de manches longues !

 

Comme j’était apparemment une crève la dalle (pour ne pas dire : créve la bite), je suis tombée éperdument amoureuse d’un garçon à peu près à ce moment, et j’ai décider après seulement 5 mois d’amour de lui donner ma fleur. Exaltée de partagée mon bonheur, j’ai  annoncé la nouvelle avec ma meilleure amie. Et sa réaction a été au dessus de toutes mes espérances. Elle m’a simplement reniée et a fait courir la nouvelle dans les couloirs du lycée (catholique, oui ça aide un peu..), me jetant ainsi en pâture. Je suis devenue la catin du lycée et j’ai perdu tous mes amis. J’ai changé de lycée l’année d’après. Salope j’étais donc.

L’année suivante, dans un nouveau lycée donc mais toujours avec le même connard, au pardon, je voulais dire mec ? J’ai commencé à me faire de nouveaux amis. Les esprits y étaient plus ouverts et pour ne pas revivre le même cauchemar j’ai adopté la technique de « ce que tu dis de toi les autres ne le diront pas ». Je me suis donc présentée comme potentiellement salope, rien de sale, juste une fille à l’aise avec son corps et sa sexualité. J’ai rencontré un autre garçon pour qui j’ai quitté mon premier copain. Le bonheur ne fut que de courte durée puisque j’ouï dire peu après cela les commentaires de nature plutôt désobligeants qu’avait laissé fuir le garçon en question. Je ne me donnerai pas la peine de vous exposer la nature de ses propos mais disons que Patrick, l’ami de Bob l’éponge est bien placé pour connaître la situation.

J’étais donc confrontée une nouvelle fois à ma condition de salope perpétuelle, mais cette fois plus je n’était même pas une salope légitime, je les cumule vous me direz.

Je me sentais comme Olive dans Easy A !!! Non sérieux allez voir ce film MAINTENANT !

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J’avais tout essayé et j’en revenais toujours au même point, j’était une salope. Et là certainement est né mon super pouvoir. Je m’en bat les ovaires !

Tu considères que tu n’es pas obligée d’être mariée à un garçon pour coucher avec -> Salope

Tu portes une jupe ? -> Salope

Tu te sens libre de t’exprimer ? -> Salope

Tu aimes Moi moche et méchant et la reine des neiges ? -> Salope

 

Revenons donc sur l’étymologie de ce nom d’oiseau (je te jure c’est drôle parce que c’est vraiment un nom d’oiseau !) avec le CNRTL : Étymol. et Hist. 1. 1607 adj. ou subst. masc. « (personne) sale, malpropre » (Sigogne, Œuvres satyriques, le Pourpoint, 13 ds Quem. DDL t. 19: salouppe); 1680 adj. « id. » (Rich.salope); 2. a) 1611 subst. « souillon » (Cotgr.saloppe, cité comme mot orléanais); 1660 subst. fém. « id. » (Oudin Fr.-Esp.); b) α) 1775 terme d’injure pour désigner une femme qu’on méprise (Interrogatoire de police, in A. Farge, Vivre dans la rue à Paris au XVIIIes., 107 ds Quem. DDL t. 19); β) 1798 « femme de mauvaise vie » (Ac.); c) 1837 salop subst. masc. « salaud » (Flaub., Corresp., p. 24). Mot d’orig. incertaine. Prob. comp. de sale* et de hoppe, forme dial. de huppe*; cet oiseau ayant la réputation d’être très sale; cf. le proverbe sale comme une huppe (v. FEW t. 14, p. 59a, note 8), sale comme une hoppe en lorr. (ibid., t. 17, p. 15b, note 10) et huppe « femme sale » (Dourd. ds FEW t. 14, p. 57b). Salop est une réfection masc. de salope.

Ce mot a pour moi un goût amer ces premières traces datent de 1607 il est peut-être temps de faire quelque chose. D’autant plus que la plupart du temps, je l’entends de la bouche d’une autre fille. Et c’est la que j’ai compris que le problème ne venait pas de moi, c’est bien plus gros que ça. Le problème n’est pas que j’y ai été confrontée, le problème c’est que je ne suis pas la seule.

 

 

Nous sommes en 2016, une part bien trop importante de la population meurt de faim, tout les jours des bombes tombent sur des populations qui n’ont rien à voir avec les décisions de leurs dirigeants politiques, d’autres peut-être mieux lotis s’acharnent à joindre les deux bouts pour leur famille, eux mêmes, leurs enfants. A coté de ça de grandes actions sont menées contre le racisme, le sexisme, l’homophobie, pour la protection de l’environnement… Mais force est de constater que les vieux slogans (femme qui à moitié dans ton ? Bol de riz !) ont la dent dure.

Des gens se battent pour l’égalité des sexes, tous les jours, mais ça ne suffit pas. La stigmatisation d’une femme pour son comportement, son habillement, son histoire, sa sexualité constitue un réel mal sociétale, et peut-être à l’origine de problèmes « plus graves » mais aussi qui tendent à perpétuer le sexisme ordinaire (discrimination à l’embauche, éducation genrée, harcèlement morale, culture du viol).

Pourquoi en sommes nous encore là ? C’est qu’il est peut-être temps d’arrêter d’attendre que les mentalités évoluent. Je ne parle pas de tonton raciste et sexiste qui sort des infamies après trois verres au réveillon, on est d’accord ce combat est perdu d’avance, il est trop tard pour ce genre d’individus mais bien heureusement l’âge aidant l’épuration est proche ! Je parle de toi, de ta copine, de ton copain, de son pote etc. Cette génération peut être celle qui en finira avec le mot Salope.

La premier changement passe par vous même. Même si une femme vous met mal à l’aise, peut-on se mettre d’accord sur le fait de ne pas être d’accord avec elle ? Si ce mot vous brule les lèvres (lui ou ses copains : catin, pute, vide couille, créve la bite, sac à sperme …), je vous propose cordialement de rincer cette envie à l’aide d’un bain de bouche, où d’un breuvage de votre choix, faites vous plaisir et faites moi plaisir.

Et dans l’éventualité où l’infamie vient de votre entourage, pourquoi ne pas réagir ?

Voici des propositions de réponses pour chauffer votre répartie :

«- Oh Machine elle couche vraiment avec n’importe qui ?

  • Tu dirais ça si c’était Machin ? »

« Oh elle est quand même courte sa jupe !

  • Comme ton ouverture d’esprit ! »

« Tu trouves pas qu’elle parle quand même beaucoup de cul

– C’est fou ouais ! Elle a une culture générale qui ne s’arrête pas aux sujets homologués par le pape ! Ca force l’admiration »

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Enjoy les bouches béantes !

Et vous, vous êtes aussi des salopes ?

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